Bien que l’Afrique abrite 32 des 44 pays les moins avancés selon l’ONU, le continent a réalisé des progrès significatifs au cours des dernières décennies. Ces avancées ont été portées par trois composantes essentielles : les routes, les chemins de fer et l’énergie. La croissance future de la région dépendra également de l’expansion de ces trois piliers.
Plan de l'article
Construire de nouvelles routes, au sens propre comme au sens figuré
« Les routes sont une composante essentielle de l’infrastructure de tout continent, et le réseau routier à travers l’Afrique a connu des avancées significatives au cours des cent dernières années », explique Philippe Heilmann, consultant indépendant pour le développement des infrastructures en Afrique. « Toutefois, beaucoup reste à faire, car la densité routière du continent a en réalité diminué au cours des 20 dernières années. »
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Le système des Autoroutes Transafricaines comprend neuf itinéraires couvrant plus de 56 000 kilomètres. Pourtant, à peine un peu plus de la moitié de ces routes est goudronnée, et des pays comme la Somalie ne sont inclus dans aucun tracé. Ces infrastructures sont également exposées à des facteurs géopolitiques internes et externes, à des contraintes géographiques comme les montagnes, à des conditions météorologiques extrêmes qui rendent certaines routes impraticables, et à d’autres défis.
Comme l’a souligné Hannah Ryder, PDG kényane de l’entreprise chinoise de logistique Development Reimagined :
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« Si les entreprises logistiques peuvent apprendre à bien utiliser les infrastructures existantes, cela peut être rentable. Par exemple, je reviens tout juste du Rwanda, où des investisseurs chinois se plaignent que le coût d’un conteneur standard depuis Mombasa ou Dar es Salaam jusqu’au Rwanda est d’environ 2 000 dollars américains — soit quasiment le même prix que depuis Shanghai jusqu’à l’Afrique de l’Est. Résoudre ce problème est crucial, aussi bien pour les exportations hors de la région que pour le commerce intra-africain. »
Ryder a ajouté que 12 pays africains avaient signé un protocole d’accord avec la Chine dans le cadre de l’Initiative « la Ceinture et la Route » (BRI), qui vise à améliorer les infrastructures africaines pour accroître les échanges commerciaux. Elle a exprimé l’espoir que d’autres nations suivront cette voie.
Seulement 43 % des routes africaines sont pavées, et 30 % de ces routes goudronnées se trouvent en Afrique du Sud. Comme 80 % des déplacements et du transport de marchandises en Afrique se font par la route, la nécessité de construire de nouvelles routes et d’améliorer les infrastructures existantes est évidente.
Cependant, la solution ne se résume pas à injecter de l’argent. Selon une étude du Center for Global Development, le coût de construction d’un kilomètre de route varie entre 300 000 dollars au Kenya et 1 000 000 de dollars en Ouganda. Il faut donc non seulement des financements, mais aussi des méthodes plus efficaces ou des matériaux moins coûteux. Le Centre a d’ailleurs proposé d’organiser un concours doté d’un prix de plusieurs millions de dollars pour toute organisation capable de réduire de manière significative les coûts de construction et d’entretien des routes en Afrique.
Améliorer les infrastructures ferroviaires
Le développement des réseaux ferroviaires est également une priorité majeure. Actuellement, 75 % des personnes et des marchandises en Afrique subsaharienne circulent par route, alors que le rail pourrait offrir des solutions plus rapides et plus efficaces.
Selon Business Insider, cinq pays africains ne disposent d’aucune voie ferrée fonctionnelle : le Tchad, le Niger, la Sierra Leone, la République centrafricaine et la Somalie. Bien que des efforts aient été entrepris pour développer des chemins de fer dans ces pays, aucun n’a abouti pour le moment.
La plupart des lignes actuelles sont nationales, servant uniquement à relier les grandes zones industrielles aux ports d’exportation. Cela limite leur utilité pour les pays enclavés et pour le développement intra-régional.
Un projet majeur est en cours de planification par l’Union africaine : le Réseau Ferroviaire à Grande Vitesse Intégré Africain (AIHSRN). Il pourrait transformer la logistique et la distribution sur le continent, avec un impact direct sur l’insécurité alimentaire. Actuellement, 61 % des Africains souffrent d’insécurité alimentaire, et 30 % des enfants présentent un retard de croissance dû à la malnutrition.
Grâce à un réseau ferroviaire dense, il serait possible d’acheminer efficacement nourriture et médicaments depuis des hubs logistiques comme l’Afrique du Sud ou la Tunisie vers les régions les plus éloignées. Cela permettrait également de transporter des produits périssables, aujourd’hui difficilement distribuables.
Un autre obstacle technique reste à surmonter : l’incompatibilité des voies ferrées entre les pays. Certains utilisent un écartement de 1 000 mm, d’autres de 1 067 mm, rendant les interconnexions difficiles. L’uniformisation de ces standards est une étape cruciale pour tout réseau continental.
Ce projet est également dépendant de l’énergie. Comme l’explique Ibrah Wahabu, responsable à l’AUDA-NEPAD :
« Pour atteindre des vitesses élevées, l’électrification est indispensable. Les moteurs diesel ne suffisent pas. Le retard énergétique de l’Afrique est donc un frein majeur à son développement ferroviaire. »
Une énergie meilleure et plus propre pour un avenir durable
La consommation énergétique de l’Afrique a augmenté dans de nombreux pays ces dernières années, mais de grandes disparités subsistent. Près de 43 % des Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, en majorité en Afrique subsaharienne.
De plus, seulement 25 % de l’électricité provient de sources d’énergie propre. Le gaz représente 43 % de la production, suivi du charbon (principalement extrait en Afrique du Sud). Malgré son ensoleillement exceptionnel, le continent africain n’utilise que 4 % des panneaux solaires installés dans le monde.
En règle générale, les pays du nord consomment surtout du gaz, tandis que ceux du sud utilisent le charbon. Pour une transition énergétique durable, les panneaux solaires et les éoliennes sont les choix les plus logiques, surtout pour les zones rurales. Toutefois, leurs coûts d’installation restent plus élevés que ceux des infrastructures fossiles. Cela freine leur adoption dans les pays aux ressources limitées.
Heureusement, plusieurs partenariats internationaux, subventions et programmes de financement ont vu le jour pour soutenir la transition énergétique africaine. Des pays comme le Ghana, le Rwanda et le Kenya visent une couverture électrique totale d’ici 2030, grâce à une combinaison de réseaux permanents, de solutions mobiles et de mini-réseaux solaires.
Comme l’a déclaré Amina Mohammed, vice-secrétaire générale de l’ONU, en janvier 2025 :
« L’accès à l’électricité n’est pas seulement une commodité ; c’est un droit humain fondamental qui soutient la croissance économique, l’éducation, la santé et l’égalité des sexes. »
Elle a aussi rappelé que :
« En renforçant la sécurité énergétique à long terme, nous pouvons favoriser la paix, créer des emplois verts, et construire des moyens de subsistance résilients – ouvrant ainsi la voie à plus de stabilité et de prospérité sur l’ensemble du continent. »
Un avenir interconnecté et solidaire
Les routes, les rails et l’énergie ne sont pas seulement trois priorités séparées : elles sont profondément interconnectées. Il faut de l’énergie pour faire fonctionner les trains à grande vitesse, des routes pour acheminer les matériaux nécessaires à la construction de réseaux électriques, et une coordination entre rail et route pour optimiser les transports.
L’investissement étranger — qu’il vienne d’États, d’entreprises ou de citoyens — n’est pas une option accessoire, mais une nécessité. De nombreux pays africains sont confrontés à une pauvreté structurelle, qui les empêche de financer seuls de telles infrastructures. Les 15 pays les plus pauvres au monde sont tous situés en Afrique. Le Burundi, par exemple, affiche un PIB par habitant d’environ 900 dollars, contre plus de 87 000 dollars aux États-Unis.
Investir dans l’avenir de l’Afrique, c’est non seulement agir pour le bien de l’humanité, mais aussi participer à la création de nouveaux marchés. Car à mesure que le continent se développe grâce à une énergie renouvelable, un réseau routier modernisé et des trains à grande vitesse, les retombées économiques pourraient être significatives pour ceux qui auront cru et investi dans cette transformation.